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𝑳𝑬 𝑺𝒀𝑵𝑫𝑹𝑶𝑴𝑬 𝑫𝑼 𝑺𝑷𝑨𝑮𝑯𝑬𝑻𝑻𝑰

𝕞𝕒𝕣𝕚𝕖 𝕧𝕒𝕣𝕖𝕚𝕝𝕝𝕖

J’ai toujours préféré manger mes spaghettis al dente. Et depuis ma lecture du Syndrome du spaghetti, j’ai envie de tester de nouvelles cuissons.

L’avenir de Léa est aussi prévisible qu’un lancer franc au basket : il lui suffit d’une impulsion pour atteindre son rêve, l’école américaine du NBA qui a entraîné tous les grands noms du basket.  La jeune fille est la meilleure joueuse de son équipe. Elle est l’espoir de son entraîneur (qui est accessoirement son père). Seulement, même la plus perfectionnée des techniques a son pourcentage d’erreur.  Ce chiffre ridicule qu’on oublie bien trop vite. La chute de Léa est brutale. Un drame familial la fait s’effondrer : elle et son rêve américain. Mais Léa refuse d’abandonner son ballon. Elle continue le basket et laisse un certain Anthony entrer dans ce match entre la jeune fille et le monde. Il s’ajoute au jeu et lui offre la meilleure des défenses pour rebondir.

Je ne suis pas une très grande fan de basket, les seuls matchs que j’acceptais de regarder sans rechigner sont ceux de Troy Bolton et son gang dans High School Musical. Néanmoins, Marie Vareille a réussi à me faire sourire (et même pleurer) en me racontant l’histoire de Léa et Anthony. Je l’admets, quelques éléments m’ont fait tiquer (l’attaque gratuite envers Greta Thunberg, les comportements et réactions parfois clichés des personnages) mais l’autrice sait comment séduire le cœur de son lecteur et l’embarquer dans son univers.

Ce roman aborde avec justesse et sincérité le deuil, la maladie, les rêves déchus et le premier amour (depuis la série Normal People, je n’avais pas retrouvé la question du consentement aussi bien traitée chez les adolescents).

Le syndrome du spaghetti se déguste avec douceur et émotion. Grâce à lui, on apprend à accepter que les pâtes qu’on mangera n’auront pas toujours le goût qu’on espère et tant mieux ! Car le piquant du changement réserve souvent de belles surprises…

𝐭𝐰 : mort, deuil, maladie

𝙇𝘼 𝙊𝙐 𝘾𝙃𝘼𝙉𝙏𝙀𝙉𝙏 𝙇𝙀𝙎 𝙀𝘾𝙍𝙀𝙑𝙄𝙎𝙎𝙀𝙎

𝕕𝕖𝕝𝕚𝕒 𝕠𝕨𝕖𝕟𝕤

Ces deux dernières années nous ont appris beaucoup de choses sur la solitude, l’isolement. Et c’est finalement au fond d’un marais, Là où chantent les écrevisses que j’ai compris le sens de tout ça.

Une famille fait son nid au bord du marais de la petite ville de Barley Cove. Sauf qu’un beau jour, elle s’envole sans une lettre d’adieux. Une maison poussiéreuse, vide et froide. Voilà ce qu’il reste à Kya, l’oisillon abandonné, à peine âgée de 10 ans. « Une vraie enfant sauvage », raconte la vieille vendeuse de l’unique supérette de la ville. Une enfant élevée par le Marais qui la nourrit, la protège et l’inspire.

« Presque tout ce qu’elle savait, elle l’avait appris de la nature. Du monde sauvage. La nature l’avait nourrie, instruite et protégée quand personne n’était là pour le faire. »

Kya est solitaire mais pas seule. Elle remplit ses journées d’aquarelles, de miettes de pain, de bocaux à merveilles (débordants de coquillages et de plumes) et de couchers de soleil. Le grésillement de la faune et la flore berce ses nuits.

« Si quelqu’un devait jamais comprendre sa solitude, c’était bien la lune. »

Elle grandit le plus possible à l’abri du monde. Seulement d’autres bruits viennent piquer sa peau. Ils prennent la forme d’un serpent qui siffle rumeurs et ragots sur son compte. On la surnomme la Fille des Marais. Seule contre tous, Kya endurcit sa carapace. Elle l’oublie parfois. Le roman est l’histoire de sa survie, de son combat quand l’Homme devient le plus cruel des animaux.

« Au point le plus vulnérable de sa vie, elle se tournait vers le seul gilet de sauvetage qu’elle connaissait : elle-même. »

J’ai été transportée par cet univers dès les premières pages ; les descriptions sont un véritable hymne à la Nature. À la fois refuge, terre nourricière, complice et muse, elle est un décor à part entière. Elle contraste avec cette peinture familiale amère. Le roman entremêle passé et présent, enfance et âge adulte. Il joue aussi avec les genres entre : coming of age, romance et thriller. Les dernières lignes attaquent le lecteur, on se transforme en proie, puis on est hanté par ce roman.

« Avons-nous exclu cette jeune fille parce qu’elle était différente ou est-elle différente parce que nous l’avons exclue ? »

Kya est une héroïne inoubliable, elle nous touche en plein cœur et on s’interroge avec elle sur la question de l’abandon, la solitude, le jugement et l’indépendance féminine. On est soufflé par son courage, son instinct de survie et son innocence face à la beauté et la simplicité du monde.

Donc laissez votre barque dériver vers les zones ombragées du Marais, et si jamais vous apercevez une silhouette, ne prenez pas peur et acceptez la plume qu’elle vous laisse sur le bord d’un arbre.

𝐭𝐰 : violence infantile/domestique, agression sexuelle

𝑳’𝑨𝑼𝑻𝑹𝑬 𝑴𝑶𝑰𝑻𝑰𝑬 𝑫𝑬 𝑺𝑶𝑰

𝕓𝕣𝕚𝕥 𝕓𝕖𝕟𝕟𝕖𝕥𝕥

Mallard. Cette ville ne figure pas sur les cartes. Elle est invisible. Comme le nom des rues qui s’effacent sur les pancartes. Comme l’identité noire des habitants de Mallard où chaque génération prie pour avoir un enfant noir à la peau encore plus « claire » que la précédente.  

Les jumelles Vignes sont condamnées à répéter l’histoire de leurs parents, à ne pas quitter cette ville maudite noyée dans le racisme. L’été 1954, Stella et Desiree fuient avec le rêve d’une vie meilleure mais en chemin elles se perdent et elles se construisent des vies en miroir.

Ce roman suit plusieurs générations : les jumelles Stella et Desiree et leurs filles respectives. Brit Bennett dépeint avec justesse la question de l’identité et du racisme. Les quatre héroïnes du roman sont scindées en deux, à la recherche d’une partie d’elles-mêmes perdue, tue ou rejetée. De manière générale, les personnages se transforment, changent d’identité et incarnent un rôle : Stella s’enferme dans sa vie de femme blanche ou Kennedy dans sa carrière d’actrice. La dualité du genre est également évoquée avec la transsexualité de Reese, ou avec Barry et son métier de professeur et de drag queen.

Les jumelles Stella et Desiree si unies, si identiques construisent leurs vies en miroir. Leurs ambitions, leurs mariages, leurs classes sociales, leurs personnalités semblent opposés. Et pourtant un lien indicible les accroche l’une à l’autre. Des expériences communes en lien avec la maternité, la solitude, la perte, la violence des hommes se tissent entre leurs doigts. Elles incarnent deux modèles féminins complexes qui vont au-delà de la ménagère des années 50 et la femme indépendante. Ces deux femmes noires vacillent sans cesse entre l’émancipation et le traditionalisme (patriarcal). Le personnage de Stella illustre également le racisme dans toutes ses complexités. À cause de ses traumatismes d’enfance, elle se perd dans son rôle de femme blanche jusqu’à intérioriser le racisme dans ses mots et ses actes.

Je n’ai pas lâché ce roman. J’ai été captivée par les liens et les fractures de ses deux sœurs. J’ai été happée par cette narration qui nous emmène dans les méandres de leur passé et les conséquences des mensonges et des blessures enfouies sur leurs filles Jude et Kennedy. J’ai retenu mon souffle lors de cette scène finale qu’on attend depuis 400 pages.

L’autre moitié de soi, c’est le risque de laisser une part de soi une fois le livre refermé. C’est un cri émouvant, réaliste et difficile sur le racisme, l’identité, l’hérédité, l’acceptation de soi et la place des femmes noires dans la société américaine. Un coup dans le cœur.

𝐫𝐞𝐩 : héroïnes noires, transsexualité

𝐭𝐰 : violences domestiques, viol/agression sexuelle, racisme, transphobie, meurtre (lynchage)

𝑹𝑬𝑫 𝑾𝑯𝑰𝑻𝑬 𝑨𝑵𝑫 𝑹𝑶𝒀𝑨𝑳 𝑩𝑳𝑼𝑬

𝕔𝕒𝕤𝕖𝕪 𝕞𝕔𝕢𝕦𝕚𝕤𝕥𝕠𝕟

Ils auraient pu être les Roméo et Juliette d’un Shakespeare de la génération Z. Ou les Meghan Markle et Prince Harry 2.0. Aussi opposés qu’un Serpentard et un Gryffondor, Alexander Claremont-Diaz et le Prince Henry Fox-Mountchristen-Windsor sont censés se détester. Ils sont jeunes, ambitieux et attirent toute la lumière des projecteurs. Et c’est après un wedding cake amoché et une fausse bromance manigancée par La Maison Blanche et Buckingham Palace que le conte de fées commence…

Je ne lis pas de romance même si j’ai un cœur de guimauve, je ne les supporte pas. Je pense que je suis devenue allergique après en avoir trop lues adolescente. Et pourtant en mars, j’ai décidé de laisser une chance à Red, white and royal blue et sa couverture rose bubble gum. Une seule raison m’a motivé : découvrir une histoire d’amour mêlant la famille royale et la présidence des Etats-Unis. Je suis obsédée par la série The Crown donc j’avais hâte de retrouver le cadre très secret et mesuré de la royauté anglaise avec l’ambiance extrême et spectaculaire des Américains.

Et je n’ai pas été déçue. Je me suis retrouvée dans un univers très pop et acidulé (voire épicé) sur un fond de Dancing on my own de Robyn. Alex est le fils de la première femme présidente et mexico américaine des États-Unis. À l’image d’un golden boy, il est le chouchou des médias et du public. Tout comme le Prince Henry qui fascine pour sa discrétion et sa retenue. Alors les relations entre les deux favoris du cœur des jeunes ne sont pas au beau fixe. Il suffit d’un mariage royal pour qu’ils déclenchent un incident diplomatique. Les équipes de communication de chaque nation s’unissent pour sauver les apparences. C’est le début d’une pièce de théâtre où Alex et Henry font croire qu’ils sont les meilleurs amis au monde. Sauf que cette fausse amitié devient une romance cachée au milieu d’une réélection présidentielle, de faux-semblants et de buzz médiatiques.  

Est-ce que ce roman est réaliste ? Non. Est-ce utopique et un peu cliché ? Oui. Mais j’ai plongé la tête la première dans ce bonbon trop sucré et ses couleurs arc-en-ciel bourrées de colorants. Cette romance à la Disney apporte la douceur dont on avait tous besoin en 2021. Les personnages sont bien construits, même Alex qui avait tendance à m’agacer à trouver grâce à mes yeux. L’autrice a pris le temps d’esquisser avec minutie les traits de ses personnages secondaires. J’ajoute une mention spéciale aux héroïnes de ce roman qui, grâce à leur humour, leur intelligence et leurs propres problématiques, ont donné de la force à l’histoire principale.

On peut reprocher au roman ses longueurs notamment à cause de l’insertion d’une série de lettres d’amour de personnages historiques et politiques mais aussi de l’accent mis sur la politique. En effet, ce texte a un fort message politique, de manière plus ou moins fine, l’autrice discrédite tous les arguments prorépublicains. Donc les choix des personnages et leurs opinions s’insèrent dans une lecture très dichotomique – très américaine aussi – avec d’un côté le « Bien » et de l’autre le « Mal ». L’humour et les nombreuses références à la pop culture adoucissent cette dimension plus politisée. Enfin, j’ai beaucoup aimé comment la relation avec les médias et les réseaux sociaux avait été traitée car elle forme l’un des nœuds majeurs de l’histoire.

En soi, Red, white and royal blue nous offre une lecture « guilty pleasure », qui ravira les fans d’histoires princières et de romance new adult.

𝐫𝐞𝐩 : romance m/m, bisexualité, homosexualité, personnage principal mexico américain

𝐭𝐰 : addiction (drogue), homophobie, abus sexuel

𝑳𝑶𝑼 𝑺𝑶𝑵𝑨𝑻𝑨 (𝒕𝒐𝒎𝒆 𝑰)

𝕛𝕦𝕝𝕚𝕖𝕟 𝕟𝕖𝕖𝕝

Lou Sonata c’est comme retrouver une amie d’enfance qu’on avait perdue de vue depuis quelques années. Je me souviens de ma première rencontre avec Lou ! : chez l’une des mes camarades de classe on épluchait toutes les bandes dessinées de sa bibliothèque. Et puis cette petite tête blonde avec sa chambre rose bonbon est apparue. Je me suis couchée sur le sol de la chambre et j’ai tourné la première page. Comme Lou, j’adorais les chats, j’espionnais secrètement un garçon dans la cour de l’école et je tenais un journal intime. Je rêvais d’avoir sa chambre et de pouvoir faire un journal intime aussi cool qu’elle. Derrière ces énumérations un peu banales et clichés, Lou ! n’est pas une bande dessinée « girly » comme beaucoup veulent le croire (il faudrait déjà parler de la problématique du mot « girly » qui est infantilisant, méprisant, sans aucun équivalent masculin, mais c’est une autre histoire). Lou parlait à toutes les petites filles et les adolescentes car elle était vraie – elle aimait aussi les jeux vidéos et elle se curait le nez -, elle ne s’enfermait pas dans une case et n’avait pas peur d’être différente.

On est beaucoup à avoir grandi avec Lou, et à avoir vécu avec elle notre passage de l’enfance à l’adolescence. Alors, c’était une évidence de la retrouver pour vivre ensemble cette transition vers l’âge adulte.

Dès les premières planches, on plonge dans cette atmosphère « doudou » qu’on connait, avec ses tons pop, colorés et ses traits ronds. Julien Neel nous offre une liberté de lecture avec des planches déstructurées et des images qui sortent de leurs cadres. Dans cette dose de douceur, Lou s’ouvre à la vie d’adulte. Premier déménagement, premier appartement, premiers cours à l’université. Au milieu de ces premières fois, Lou se crée sa petite bulle. Ce premier tome dépeint avec justesse les débuts de l’âge adulte : l’indépendance, les interrogations, la solitude, trouver sa voie/voix. Quelques éléments m’ont néanmoins dérangé : la rédaction d’un mémoire en première année, un manque de détails sur les projets de Lou et des zones sombres qui posent les bases de ce tome 1 mais entraînent un manque de finalité (MAIS QUEL EST LE SECRET DE SA GRAND MERE ? JE NE DORS PLUS !).

Lou ! est et restera un shot de nostalgie et un doux moment de réconfort.

𝑹𝑶𝑴𝒀 𝑬𝑻 𝑱𝑼𝑳𝑰𝑼𝑺

𝕔𝕠𝕝𝕚𝕟𝕖 𝕡𝕚𝕖𝕣𝕣𝕖 𝕖𝕥 𝕞𝕒𝕣𝕚𝕟𝕖 𝕔𝕒𝕣𝕥𝕖𝕣𝕠𝕟

O Romy, Romy, pourquoi es-tu Romy ? Renonce à la boucherie et adjure la viande ; ou si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je n’irai plus manifester devant l’abattoir, la boucherie de ton père ou à la fête de la saucisse.

Cette phrase n’existe pas cependant elle aurait pu être tirée de Romy et Julius, une réécriture des amants maudits de Shakespeare. Dans un petit village français, deux mondes s’opposent. Celui des traditions avec les paysans, les producteurs et les commerçants qui n’ont jamais quitté leurs terres, et celui des « bobos » qui ont fui la ville pour vivre un mode de vie plus sain, écolo et vegan. Les viandards d’un côté de la rue, les végétariens et végans de l’autre. Les Capulet et les Montaigu des temps modernes. Chaque clan a son propre bar, sa boulangerie, son supermarché, son école et ses leaders. Romy et Julius n’étaient pas fait pour se rencontrer. La fille du boucher et le défenseur de la cause animale. Seulement le théâtre de la ville va faire d’eux les nouveaux Roméo et Juliette.

Je suis une lectrice amoureuse des réécritures. Alors reprendre l’un des plus grands classiques de la littérature anglosaxonne dans un roman pour ados, ne pouvait que m’intriguer. L’originalité de cette réécriture tient tout d’abord en un seul mot : l’inversion. Une inversion dans les noms de nos deux adolescents mais aussi une inversion dans les archétypes. Romy et Julius se construisent à l’opposé de leurs modèles. Julius est un garçon timide, discret, calme qui n’a pas l’impatience ni l’immaturité de Roméo. Romy, quant à elle, est une jeune fille terre à terre et entêté qui préfère les jeans aux robes. Ces personnages renversent les stéréotypes de genre. D’ailleurs, Romy auditionne pour le rôle de Roméo avant d’incarner Juliette :

Elle devenait vraiment différente, pas plus garçon ou moins fille, juste… elle était son personnage. Elle était Roméo. Et en même temps, c’était aussi elle, complètement elle. Elle incarnait Roméo avec toute sa personnalité. (p. 97)

Romy incarne une Juliette moderne qui, à la fois, se détache de la naïveté et l’innocence de l’héroïne originale et est électrisée par cette même soif d’émancipation et ce sens de la famille. Je regrette néanmoins que le discours de Romy bascule plusieurs fois dans le slut-shaming envers sa meilleure amie (p. 54-55) ou une autre jeune fille (p. 69) – sans que cela soit ensuite remis en question – alors que quelques pages avant elle dénonçait le sexisme ordinaire (p. 59). Cette Juliette de la génération Z est donc une héroïne complexe avec ses faiblesses.

« Dis-donc Lucie, ta robe, elle a rétréci au lavage ou c’est juste que t’avais pas les moyens d’acheter la totalité du tissu ? (…) » (p. 54)

Romy et Julius est une histoire d’amour adolescente mignonne et réaliste. Deux cœurs battent à l’unisson, se promettent l’éternité en SMS et acceptent les différences de l’autre. Derrière cet amour bubble-gum se cache des sujets d’actualité sur notre rapport au monde, la nature et les animaux : le réchauffement climatique, l’écologie, la pollution de l’industrie agro-alimentaire, la maltraitance animale, les emplois régionaux et artisanaux, un secteur d’activité précaire…etc. Le point de vue de plusieurs personnages secondaires s’invite dans le texte, creuse ces différentes problématiques au détriment du rythme du récit qui ralentit.

Les personnages ont chacun leurs convictions mais les autrices, elles, ne prennent jamais partie et laissent au lecteur le soin de se forger sa propre opinion sur cette opposition entre véganisme et les partisans de la viande.

Quand le rideau se baisse, c’est à la fois la foire et l’apaisement. Romy et Julius offrent aux deux amants légendaires une fin bien différente du texte original. Sur ce Bonne nuit ! bonne nuit ! Si douce est la tristesse de nos adieux mais nous nous retrouvons très bientôt pour une nouvelle chronique.

𝑹𝑬𝑺𝑷𝑰𝑹𝑬

𝕒𝕟𝕟𝕖-𝕤𝕠𝕡𝕙𝕚𝕖 𝕓𝕣𝕒𝕤𝕞𝕖

Au cœur de ces presque 200 petites pages se cache une fissure. Le portrait d’une adolescente brisée par l’amour. Charlène est une enfant à part. Elle dévore la vie, elle étouffe d’amour entre les 4 murs de sa chambre. C’est là que naît l’obsession. Elle s’enroule lentement autour d’une petite fille à couettes, le bonbon bleu. Cette amitié c’est son tout, son monde jusqu’à ce qu’une voiture remplie de cartons lui piétine le cœur. Les premières années au collège sont douloureuses pour Charlène. Un brouillard constant dans sa tête, un cœur gonflé de peine et une envie d’en finir. Quand elle retient sa respiration pour la première fois, Sarah fait son apparition. Son nouvel oxygène. Elles ont 13 ans. Sarah devient son souffle, sa raison de vivre jusqu’à ne plus pouvoir respirer.

Dès le premier jour, j’ai pressenti que cette fille exceptionnelle réduirait à néant toutes mes ambitions. J’avais raison. Mais à cette époque je ne pouvais pas savoir qu’elle ferait bien plus encore.

Quelle claque ! Un roman si court écrit à l’époque par une jeune écrivaine de 17 ans. Comme une confession, Charlène délivre ses pensées, ses plus noirs démons et cette amitié adolescente maudite. Trop intense. Trop violente. Le tableau d’une amitié toxique. Chacun a son rôle à jouer : l’obsession et la manipulation (perverse et narcissique). Les deux se croisent, s’affrontent et défendent leur étendard. En tant que lecteur, on manque d’air dès les premières lignes. L’écriture crache un flot d’énumérations, les mots de Charlène défilent sans jamais s’arrêter. Pas de pause ni de respiration. On suffoque face à la détresse et la violence de certains passages. La scène des escaliers est bouleversante mais elle n’est rien à côté du Nouvel An au chalet qu’on lit la gorge serrée. Il faut attendre la scène finale pour qu’on oublie presque de respirer.

Ce n’était pas un amour qui faisait du bien, au contraire. Trop aimer, aimer jusqu’à la haine, c’est sacrifier son honneur, aliéner sa propre liberté, c’est faire mal, forcément.

Anne-Sophie Brasme utilise l’horreur et toxicité de cette amitié pour dépeindre les questions du harcèlement, de l’identité, du mal-être et de la fragilité à l’adolescence. Le halo obscur qui gravite autour de Charlène dès son plus jeune âge est parfois dur à encaisser, tout comme le manque d’informations sur le cadre familial des héroïnes. Alors, l’adaptation de Mélanie Laurent permet d’apporter une nouvelle perspective à ces deux éléments.

Respire est une immersion dans l’engrenage mental de la manipulation et l’obsession. Ce conte tragique sur l’amitié sait jouer sur les émotions du lecteur (et sa respiration).

𝐭𝐰 : dépression, suicide, mort, anorexie, violence physique/psychologique, harcèlement

𝑼𝑵 𝑺𝑰 𝑷𝑬𝑻𝑰𝑻 𝑶𝑰𝑺𝑬𝑨𝑼

𝕞𝕒𝕣𝕚𝕖 𝕡𝕒𝕧𝕝𝕖𝕟𝕜𝕠

J’ai terminé cette année avec un doux spectacle aérien. Je marchais vers le 31 décembre. Le souffle de l’hiver me mordait les joues. Et quand j’ai ouvert les premières pages, un air chaud a flotté jusqu’à moi. Abigail était là. Elle profitait de l’été et des voyages en voiture. La fenêtre ouverte, son bras était une aile, et comme un oiseau, elle savourait ce semblant d’infini, où le temps s’arrêtait et le paysage glissait sous ses yeux.

Rouge. Broyée. Déchiquetée. Amputée. Voilà à quoi ressemble maintenant la liberté qu’elle portait sous ses doigts. L’adolescente pleine de rêves vit désormais avec un vide, la partie d’un corps absent. Elle s’enferme entre quatre murs, limite ses sorties, ne voit plus personne pour éviter les regards curieux ou larmoyants. Cette cage définit son univers. À 20 ans, sans son bras, la vie d’Abi est finie. Et c’est là que l’inattendu se matérialise sous la forme d’un colis. Dedans, il y a un livre, qui fait écho à cette absence sans nom.

En moins de 24h, je suis tombée dans le piège de Marie Pavlenko. Ça a commencé par la poésie de ses mots, aussi simples et magiques qu’un battement d’aile. Ensuite, j’ai été touchée par la sincérité et la beauté de ses personnages. De la tante célibataire, endurcie et excentrique aux blagues nulles d’un papa en passant par un jeune homme amoureux des oiseaux, les liens qui tissent ces portraits captent toute la lumière.

L’autrice ne romantise ou n’enlaidit pas le moignon d’Abi. Elle peint avec réalisme, la colère, la douleur physique et mentale de cette jeune femme. Son accident, il a amputé une famille entière. Une vie centrée sur cet oiseau blessé. Des parents dévoués. Une petite sœur oubliée. Une héroïne qui ne peut plus voler. Chaque geste est un combat : s’habiller, manger une pizza…

Et pourtant le texte ne nous tend pas une épaule pour pleurer. Il ne cherche pas notre pitié. Au contraire, une bulle lumineuse gravite autour d’Abi. Elle se compose de mauvaises blagues, de répliques décomplexées et de situations toutes douces qui naissent un soir de pluie.

Un si petit oiseau est un chant sur l’acceptation de soi, et la puissance de l’amour. Si un jour vous décidez de prendre votre envol, ce spectacle tendre vous coupera le souffle.

𝐫𝐞𝐩 : personnage principal handicapé (bras amputé)

𝑹𝑬𝑩𝑬𝑪𝑪𝑨

𝕕𝕒𝕡𝕙𝕟𝕖𝕖 𝕕𝕦 𝕞𝕒𝕦𝕣𝕚𝕖𝕣

C’est l’histoire d’une patronne malade et d’un échange de regard lors d’un petit déjeuner à Monaco. Tout commence comme une histoire d’amour. Sauf que personne n’a vu la mandarine pourrie à côté de la tasse en porcelaine remplie de café. Une jeune dame de compagnie tombe amoureuse de M. de Winter, un riche aristocrate veuf, propriétaire d’un majestueux domaine en Angleterre. Rapidement la voilà la bague au doigt, et après des noces mielleuses, Manderley l’accueille sous un torrent d’eau. Les lieux sont hantés par l’ancienne femme de Maxim de Winter, morte noyée : Rebecca. Son nom est partout. Brodé sur les draps. Imprimé sur les carnets. Gravé sur les objets décoratifs. Murmuré par les domestiques. Et sacralisé par Mme Danvers, la gouvernante. Rebecca et son fantôme deviennent presque l’obsession de notre héroïne dont le nom reste inconnu tout au long du roman.

Rebecca appartient au mythe : beauté ravageuse, charismatique et organisatrice de fêtes mémorables. La narratrice ne peut pas rivaliser avec cette déesse. Même Maxim semble encore ensorcelé par le souvenir de Rebecca. Les vagues se fracassent contre les rochers et l’atmosphère s’épaissit. Le miroir se craquèle. Méduse sort des eaux et les noirs secrets de Manderley se dévoilent…

Rebecca, toujours Rebecca. Je ne serais jamais débarrassée de Rebecca. Peut-être que je la hantais ainsi qu’elle me hantait ; elle regardait du haut de la galerie, comme avait dit Mrs D’Anvers, elle était assise à côté de moi quand je faisais mon courrier à son bureau. (…) J’aurais pu lutter contre une vivante, non contre une morte.

J’ai été bluffée par la modernité de Rebecca, et j’ai même trouvé que l’intrigue avait des airs à la Gone Girl. En 1938, ce roman devait être une petite révolution. Daphné de Maurier parvient à modeler grâce au décor, une atmosphère étouffante, semblable aux romans gothiques. Mais son plus grand talent tient dans la construction de Rebecca. La femme absente et pourtant si présente. Elle est l’ombre de Mme Danvers. Elle est Manderley. C’est un personnage très complexe, une créature à deux visages. Elle efface rapidement la nouvelle Mme de Winter, qui agace parfois pour sa naïveté et sa passivité. Les longueurs peuvent nous essouffler. Mais la fin est saisissante. Grâce ou à cause de Rebecca, l’héroïne se métamorphose à la fin du roman. C’est toute la complexité des personnages féminins de ce texte : ils fascinent, effraient ou nous font languir d’impatience. La sœur de Maxime, Béatrice, est la seule femme réellement sympathique du roman.

L’intrigue et les personnages ne sont pas les seuls à nous donner des frissons. La relation entre Maxim et la nouvelle Mme de Winter est étrange, infantile voire malsaine. Néanmoins la noirceur qui envahit le récit est envoutante. Elle nous secoue entre deux eaux, elle nous brûle les doigts.

Rebecca est, sans aucun doute, un classique à lire pour les amateurs de frissons. Mais n’y voyez pas une romance, c’est bien un thriller psychologique où même après avoir lu la dernière page, les questions fourmillent. Un point de vue. Une vérité. Un vilain.

𝐭𝐰 : mort, maltraitance psychologique, meurtre

𝑴𝒀𝑻𝑯𝑶-𝑺𝑻𝑶𝑹𝒀

𝕖𝕞𝕚𝕝𝕪 𝕣𝕠𝕓𝕖𝕣𝕤𝕠𝕟

Ariane sort de sa poche un petit objet étincelant. Il ne ressemble pas à la bobine qu’elle déroule pour se guider dans le labyrinthe. Il émet une drôle de vibration sous ses doigts avant de se mettre à sonner. Un téléphone portable. Ariane tente de contenir son effroi. La 55ème émission du Labyrinthe des héros est ouverte…

J’ai toujours été fascinée par les réécritures. Alors quand j’ai découvert le concept de Mytho-story, j’ai été conquise : le mythe de Thésée et du minotaure sous l’angle de vue d’une téléréalité. Seulement, je ne me m’attendais pas à tomber sur un tel sac de nœuds où s’emmêlent clichés, intrigue décousue et représentations problématiques. La couverture nous vend « Hunger Games chez les grecs » et nous y sommes pour la téléréalité, mais pas du côté de l’action. 90% du récit se passe hors du labyrinthe et se concentre sur une maille du mythe : la romance entre Thésée et Ariane. De plus, l’auteure n’a pas pris la bonne aiguille pour tricoter son intrigue et ses personnages. En dehors de quelques scènes attachantes entre Ariane et le minotaure, il y un problème de rythme. La romance entre les deux adolescents démarre trop vite et au contraire, la partie dans le labyrinthe tarde à arriver et s’éclipse rapidement. Emily Roberson a préféré tisser le décor de la téléréalité avec cette famille royale, créatrice du labyrinthe, filmée h24 à la manière des Kardashian et cherchant sans cesse à booster ses audiences. Et cela aurait pu fonctionner si les thèmes de la téléréalité et de la culture de la célébrité avaient été nuancés, et surtout si les personnages avaient été retravaillés. C’est un enchaînement de « déjà-vu » : le meilleur ami gay, l’héroïne construite autour du trope « je ne suis pas comme les autres filles » etc.

Je ne suis pas parvenue à m’attacher aux personnages, excepté le minotaure, qui reste très peu présent.  En effet, les clichés peuvent avoir joués sur mon expérience de lecture mais le plus gros problème de ce roman résonne dans la question du consentement et du traitement accordé aux personnages féminins. Le regard que porte Ariane sur ses sœurs est à la limite du sexisme, notamment en les réduisant à leur féminité. On est même face à du male gaze quand elle se met à comparer le physique de sa mère à une voiture : « Elle n’a pas un gramme de trop. Elle est aussi solide et profilée qu’une voiture de sport » (p.239). Malheureusement, le pire est à venir quand on parle de consentement. Les attouchements et la violence faite aux femmes sont banalisés au profit de la téléréalité :

Scène entre les deux sœurs d’Ariane (p.22) :

  • Il [Hercules] me plaît quand il à jeun. Quand il a bu, c’est autre chose. Il devient violent. Il m’a fait mal, la dernière fois, et il m’a carrément fichu la trouille.
  • Oui, c’était chaud ! s’exclame Xénocidé. Et c’est pour ça que tout le monde a adoré.

À la lecture de cette page 22, j’étais déjà refroidie. On plonge carrément dans le malsain quand on comprend que cette hypersexualisation féminine vient du fait que les parents d’Ariane forcent leurs filles dès leurs 14 ans, à se dénuder devant la caméra et à céder à des actes sexuels non consentis.  Le problème n’est pas que ces thèmes soient abordés mais plutôt comment ils sont traités. Ils ne sont pas remis en question ou condamnés. Et c’est dérangeant quand on sait que c’est un livre à destination des adolescents.

Je ne peux donc pas vous conseiller ce roman. Je me suis perdue dans labyrinthe et le fil d’Ariane ne m’a été d’aucun secours.

𝐭𝐰 : hypersexualisation, sexisme, slut-shaming, maltraitance/exploitation infantile